lundi 6 décembre 2010

///// Julien Blaine ,

Friches

Ça sent la campagne, le rural, la terre abandonnée pour ressusciter plus tard,
se régénérer et être bientôt à nouveau cultivée,
pour une nouvelle saison, une saison future...
C’est la rencontre du paysan et du chasseur.
Le terrain des enfants et les cachette pour amoureux.
Alors,
Renifler l’odeur de cette terre quand la pluie commence...
Respirer l’odeur de cette terre en plein mois d’août quand l’herbe est desséchée,
l’odeur de la chaleur, de cette paille chauffée à blanc, à la limite de l’incandescence...
Ecouter les chants et les sons de cette terre : frelons et sauterelles et autres insectes de jour,
grillons et criquets et autres insectes de nuit.
Venir au petit jour et attendre le plein jour, admirer tout ce qui vole, écouter tout ce qui chante.
Considérer la terre à l’état de nature,
Son retour à la nature...


Industrielles


C’est un mot de la ville, une parole urbaine.
On devine la fumée, les vapeurs et le fracas, la foule et le tumulte.
L’ouvrier pas encore transformé en chômeur ou en retraité au minimum vital !
On imagine le contremaître et l’ingénieur, le patron et le cadre commercial, le comptable et l’informaticien...
Le souffle et les machines.
Les machines sous les toits en V et en W en N et en M.
Les vestiaires et les chiottes
Les blouses et les combinaisons
Le cambouis et le gaz oil
L’odeur pourrie des machines
La chaleur des machines
Le boucan des machines
La fatigue !
Les faillites, les concurrents, les délocalisations : l’usine abandonnée.


Les friches industrielles


On ne sait jamais qui invente ça des duels de mots aussi fantastiques !
Friches industrielles !
Et on s’y cherche, et on essaie de gonfler ces expressions qui nous pousse à écrire autrement :
la digue du large,
le perruquier des zouaves,
le coucher du soleil,
les friches industrielles...

J’en ai visité des friches industrielles à travers le monde, au début simplement pour visiter une expression magnifique : friches industrielles !
Oui, je visitais une expression comme je me promenais sur la digue du large à Marseille ou admirait le coucher du soleil sur le quai de Saint-Pierre à La Réunion ou envoyer paître mes imbéciles au perruquier des zouaves !
Puis, les artistes et les poètes ayant remplacés les ouvriers et les chefaillons de service, voir ce que désormais on y faisait et y faire moi-même.
Dans des usines où jadis on purifiait l’or, où jadis on fabriquait des avions, où jadis on laminait de l’acier, où jadis on faisait fondre des métaux, où jadis on roulait des cigarettes, où jadis on filait de la laine, de la soie et du coton, où jadis on tannait du cuir, etc.
Genève, Milan, Berlin, Baltimore, Pékin, Sainte-Marie-aux-Mines, Strasbourg, Marseille, Lodève, Barjols, etc.

Et puis en 1989, je me suis retrouvé adjoint à la culture à Marseille et fort de mes voyages, de mes séjours et de mes travaux j’ai créé avec Philippe Foulquié dans l’ancienne et gigantesque usine de la Seita le Système friche théâtre de la Belle-de-Mai.
Lieu de tous les spectacles vivants (danse, théâtre...), de toutes les monstrations (cinéma, vidéo, galeries, ateliers..), de toutes les musiques (rap, slam, rock et toutes les musiques classiques et improvisés...), un lieu de répétition et de convivialité (studio, restaurant, bar...), un lieu de médiatisation (espace internet, radio, magazine, édition...), un lieu de rencontres (débat, colloques...), un lieu de mélange de toutes les disciplines et de toutes les origines culturelles et artistiques.
Et cet espace se transforme de plus en plus en manifeste architectural (Jean Nouvel, Patrick Bouchain, Matthieu Poitevin)

A Barjols, on passe de l’immense friche industrielle à un ensemble de friches industrielles, alors “normalement” on devrait pouvoir faire tout ça, “ça” qui est fait à la Belle-de-Mai, en voyageant d’un espace à l’autre,
d’une ex-tannerie à une ex-tannerie,
d’un ex-moulin à tan à un autre ex-moulin à foulon,
d’une ex-papeterie à une autre ex-papeterie en passant par l’ex-blanchisserie et l’ex-fabrique de carte à jouer...
En se déplaçant dans la ville.
Si les odeurs des écorces de chêne, des draps neufs, des vieux chiffons et des jeunes et vieilles peaux ont disparu, on entendra encore le bruit des fontaines et des rivières couvert régulièrement par le cri des poètes et le chant des artistes...


Julien Blaine
2010

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